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Clos BARNAUT

"Afin d'être bien certains de comprendre les entrailles de ce Clos, nous avons effectué deux fosses: une dans le bas et une dans la partie haute. Les données obtenues de ces observations donneront une impression globale du terroir de cette parcelle."

Telle aurait pu être la genèse du Clos Barnaut à Bouzy, si son existence ne remontait pas au delà des souvenirs familiaux.

Mais c'est bien en début 2002 qu'est apparue l'idée d'éprouver les qualités de cette parcelle de situation tellement particulière. Presque trois années après, les premières grappes, fruit d'une longue réflexion, étaient cueillies pour préparer un très rare, sinon unique Bouzy Rosé non effervescent. 

 

Son sol brun, très fortement calcaire (28% total dont 17% actif), moyennement profond, sur craie du santonien (85 millions d'année) altérée et argilisée se voit colonisé en profondeur par les racines du Pinot Noir qui le couvre en profitant tout à la fois d'un bon drainage mais également d’un approvisionnement continu en eau.

L'influence de son altitude de 105 mètres (pour 148 en moyenne sur le vignoble de la Marne) et de son exposition nord se trouvent largement compensée par une situation close de centre village qui lui confère une bonne protection thermique et donc une bonne aptitude à la maturité.

 

Le paysage Ouvert à l’est apporte le réchauffement matinal qui renforce la précocité du lieu. En revanche, l’ombre qui arrive rapidement le soir en raison du masque ouest apporte l’amplitude thermique jour-nuit favorable à l’obtention de la structure et des arômes recherchés dans le vin.

L'expression du terroir résulte bien des interactions intimes entre la vigne, le sol qui la porte et la nourrit, et le climat local.

 La main de l'homme vient signer le savoir faire hérité des générations passées pour extraire le meilleur de ce terroir, en laissant un enherbement naturel maîtrisé, en entreplantant les ceps morts pour éviter d'arracher la parcelle entière et ainsi préserver à cette sélection massale plantée en 1973, un âge moyen respectable, et voire même cueillir des grappes "en vert" lorsque la nature est trop généreuse, par exemple. 

Son sol assez profond, complanté uniquement de Pinot Noir aurait marqué le caractère de Bouzy par excès. Le Champagne aurait péché par manque de finesse.

D'autre part, l'exposition ne permettait pas une maturité et une concentration suffisante pour élaborer un grand vin rouge. D'autres situations de notre vignoble y sont plus propices.

 L’empirisme est venu conforter mon ressenti « intuitif » des potentialités de ce terroir. En effet, c'est à la suite d'expériences et d'essais de vinifications que je suis arrivé à ce constat : « Le vin de prédilection de ce Clos sera bel et bien rosé mais non effervescent ! C'est ainsi que le terroir s'exprimera le mieux, que la nature fera ressentir ses nuances, ses forces et ses subtilités. »

Ce vin, donc, sera d'appellation contrôlée "Coteaux Champenois Rosé" sec et tranquille (A.O.C régionale), comme prévu par décret du 26.02.1974.

Nous revenons là aux origines des vins champenois, avant que le génie de l'homme ne le fasse mousser. Sous l'occupation romaine, les vins rouges ou clairets représentaient la quasi totalité des vins champenois. Vers 1850, ils en représentaient encore les deux tiers, et on avait coutume de les appeler "les vins de Bouzy". Ils ont aussi abreuvé les sacres des rois à Reims, ou bien encore se sont bataillés la première place avec les vins de Bourgogne en la cave du Roi Soleil.

Vin de terroir, vin gastronomique, j'ai voulu me faire le simple interprète de Dame Nature en vinifiant un vin spontané, à la fois charnu et fin, fruité, tendre avec pourtant une pointe de fermeté, vif et long… Enfin un vin tranquille champenois.

Seules un millier de bouteilles de ce Millésime 2004 ont été élaborées. Ne voulant faire de ce Clos qu'une cuvée d'exception, je n'ai pas jugé opportun de faire de même l'an passé. Il ne sera de vin du Clos Barnaut à Bouzy que des années qui le méritent.

Philippe Secondé

Le Vin:

Ce vin d'exception, produit à Bouzy commune classée Grand Cru, est probablement le seul Coteau Champenois Rosé AOC. Issu d'une longue recherche, il veut exprimer la singularité d'un des très rares clos de champagne. Les caractéristiques géologiques, pédologiques et mésoclimatiques de cette parcelle d'exception, « trop riches » pour un champagne, permettent d'exprimer l'originalité d'un rosé non effervescent. Le sol naturellement enherbé, l’enrichissement organique conforme aux pratiques biologiques, la suppression précoce des grappes en surnombre, le maintien d'un âge moyen élevé des ceps sont autant de pratiques rigoureuses et contraignantes mais indispensables à l’obtention de raisins conformes à notre volonté de perfection pour cette cuvée d’exception.

La vinification n'en est pas plus facile : cueillette à la main pour amener les raisins délicatement jusqu’au tri manuel grappe par grappe, une macération à froid avant la fermentation d'une durée parfaitement calculée, sont les prémices d'un  élevage rigoureux qui ne donnera naissance qu'à un millier de bouteilles les seules années qui le permettent.

 

La Dégustation:

Œil : très belle couleur franche rubis clair, à peine perlant (c'est un vin champenois).

Nez : une première sensation de petits fruits rouges apparaît – framboise, groseille, griotte – qui s'ouvre sur la fraise macérée, pour évoluer vers une note minérale de terroir (presque pierre à fusil). La finale est très "pinotante".

Bouche : Attaque franche et ferme sans agressivité, avec un beau gras de macération pré fermentaire à froid. La perception est riche, avec la griotte qui revient par rétro olfaction. La note minérale s'affirme pour exprimer un terroir riche et profond. Finale de très belle longueur. Cette caudalie est la marque de son terroir d’origine classé Grand Cru.

 

L’Apprécier :  

C'est un rosé « de gastronomie », avec la fraîcheur d’un blanc et la structure d'un rouge de sa région.

Il a sa place presque partout : sur un casse-croûte de jambons, viandes séchées, saucisson sec, et terrines de volailles; sur un bœuf en tartare ou saignant grillé; tous gibiers à plume. Continuez le repas sur un chèvre frais, en crottin, ou encore un chaource et finissez par une coupe de fruits rouges frais de saison. Pêle-mêle, il accompagnera aussi un buffet dans son ensemble, ou autres poissons de caractères grillés (type rouget), tajine de volaille, coques farcies, escargots en sauces et sushi...

A servir aux alentours de 12°C.